Mindfulness or Mindfull ? Rencontre consciente avec Marina Bresciani.
Dans une société qui nous pousse à être des superhéros, les burnouts explosent. Toujours préoccupé par le passé ou l’avenir, l’être humain vit rarement dans le moment présent. Aujourd’hui, la méditation de pleine conscience est devenue une pratique très répandue, dont les bénéfices sont scientifiquement prouvés. Le programme “MBSR” (=Mindfulness Based Stress Reduction ) a fait son entrée au sein des hôpitaux et des universités partout dans le monde. Marina Bresciani étudie et partage ses connaissances dans le domaine…
Bonjour, Marina, pouvez-vous nous raconter comment la méditation est arrivée dans votre vie ?
J’ai été confrontée à quelques difficultés comme un mal-être, des questionnements sans cesse et de la curiosité. Un peu comme tout le monde, au fond. Le ressenti qu’il y a une voix intérieure dont j’ai le plus grand intérêt à recontacter, à écouter…car elle sait ce qui est juste pour moi. Il y a également les rencontres, les chemins croisés… Tout sauf le hasard, en somme. C’est également le ressenti qu’il y a quelque chose qui va bien au-delà de mon moi, de mon égo, de moi-même. Quelque chose d’universel qui nous lie tous. Puis, un plongeon dans la spiritualité avec le Bouddhisme et la méditation. La rencontre avec la MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction, Jon Kabat-Zinn) qui a vraiment éclairci la pratique me permettant de la comprendre et l’inscrire au plus profond de moi, au-delà de l’intellect, et de l’installer dans mon quotidien. À tel point de souhaiter la partager !
Qu’est-ce que la méditation en pleine conscience vous apporte dans votre quotidien ?
La méditation en pleine conscience me donne accès à un calme profond, à une sorte de « sagesse ancestrale ». Je m’exerce tous les jours à vivre avec ce qui est déjà là (agréable ou désagréable) et l’accueillir sans jugement et avec bienveillance. Pas avec résignation, mais, au contraire, avec un grand sens de clarté afin de répondre de façon plus « juste » à une situation désagréable ou stressante, avec moins d’agitation (ce qui m’évite de courir comme une poule sans tête). Certainement pas facile, mais essentiel à mes yeux.
C’est un peu comme un athlète qui exerce son corps… Mais je m’occupe de mon esprit.
Comme pour les muscles d’un athlète, c’est un exercice long qui demande patience et constance. Cela a pour effet de me transformer, ajoutant tolérance, douceur et bienveillance vis-à-vis de moi-même et donc, des autres. Cela change remarquablement mes relations personnelles et professionnelles. Je ne suis pas en contact avec cela à chaque instant, bien entendu, mais par moment. Et c’est déjà incroyablement libérateur et transformateur.
Je fais l’expérience de l’impermanence de tout : « Rien ne se crée, rien ne se perd » (Lavoisier), tout se transforme, sans cesse.
C’est une pratique expérientielle. C’est à travers mon vécu que j’ai par exemple observé et compris le mode de fonctionnement du stress : son apparition, la façon de laquelle j’y réagis, les comportements automatiques que je mets en place pour écarter les émotions douloureuses qui en découlent… Grâce à la pleine conscience (ou pleine attention), j’ai découvert que je ne suis pas obligée d’y répondre toujours de la même façon, automatiquement, mais que j’ai le choix de tenter une autre réponse, un autre chemin.
Que je ne suis pas esclave de mon égo, que ce dernier n’est pas mon maître, mais mon servant. Et vachement utile dans ce rôle-ci !
L’important n’est donc pas tant la situation qui se présente, mais la façon avec laquelle je la perçois et la traite.
Les peurs, les doutes, la confusion, la honte, l’angoisse, la tristesse… Mais aussi, la joie, le courage, l’audace, la gentillesse, la douceur… Toutes ses émotions sont communes à tous les êtres humains, où qu’ils vivent, quoi qu’ils fassent… C’est une découverte incroyable ! Et ça donne vraiment accès à une profonde liberté.
Qu’est-ce qui, au quotidien, vous permet d’être heureuse et épanouie ? Avez-vous des rituels qui y contribuent ?
Je ne suis pas heureuse et épanouie à chaque instant, mais la pratique quotidienne de la méditation et du yoga m’y donnent accès de plus en plus souvent. Et me permettent surtout d’accepter que je ne le sois pas tout le temps !
M’assoir en silence, recontacter mon souffle, rester immobile quoiqu’il arrive durant quelques minutes… C’est un exercice qui demande un peu de discipline, mais qui est très important, car j’ai compris à quel point ma vie (sa qualité et de celle de ceux que je côtoie) en dépend.
Avez-vous des astuces pour vous faciliter la vie ? L’organiser ? Zapper des étapes chronophages ?
Je ne cherche pas vraiment à me faciliter la vie. Par contre, il est indéniable que la pratique me permet d’arrêter de FAIRE et juste d’ÊTRE celle que je suis à ce moment. Même si ce n’est que durant quelques dizaines de minutes par jour, il est extrêmement apaisant de ne pas avoir d’objectif, de ne pas devoir réussir quelque chose et donc de ne pas devoir craindre l’échec…
Ces moments d’arrêt permettent de ne plus considérer le temps de la même façon et de cultiver cette qualité de présence dans les divers moments de la vie quotidienne. La « vraie vie », je dirais.
Car la pleine conscience est une salle de gym : nous nous entrainons et apportons de nouveaux éléments à notre laboratoire pour que, sortis de là, nous ayons les outils pour fonctionner d’une façon plus en accord avec soi-même. Cela diminue la souffrance que nous nous infligeons parfois/souvent dans nos vies agitées, super-remplies, surstimulées, débordantes d’activités. Ces découvertes augmentent notre liberté personnelle, intime et font de la place à une réalité plus proche de notre profonde. Sans que ce ne soit nécessairement le but initial, nous finissons par fonctionner différemment et cela a pour résultat de diminuer notre souffrance face aux situations désagréables.
N’est-ce pas un merveilleux projet de vie ? 😊
Quels sont les signes qui vous font dire « là, j’ai besoin d’une pause / de prendre soin de moi » ?
J’ai appris à écouter mon corps, à lui donner la place indispensable qu’il mérite dans mon quotidien. C’est en lisant ses réactions que je comprends plus facilement que je suis agitée, que je dois ralentir, décrocher, voir carrément lâcher prise.
Le diaphragme qui se serre, les bouffées de chaleur, le mal au dos, à la tête… Ou ma mauvaise humeur, mon manque de discernement, de patience… Ce sont là des signes clairs que j’ai appris à décoder rapidement. Et alors, j’écoute ma météo intérieure et 1) j’essaie d’accueillir et consentir à ce qui se passe en moi en ce moment précis (pour désagréable qu’il soit), 2) j’observe ce qui monte automatiquement (agressivité, envie de fuir, immobilité…), 3) je regarde de plus près pour voir si je peux y répondre plus sagement, sans complaisance, sans culpabilité… Si oui, je mets en place une réponse plus juste pour moi. Si non… alors je retombe dans mes comportements habituels, mais j’essaie de ne pas trop me juger, me blâmer, me fustiger. J’assume la responsabilité de ma réaction afin que cette expérience qui me dérange me serve pour la prochaine fois.
On y revient : c’est une pratique tout à fait personnelle.
Quelle est, dans ce cas, votre échappatoire ? Pourquoi ? Qu’est-ce que ça change ?
Justement : de ne pas toujours chercher d’échappatoire 😊 ! De rester un petit peu (si je peux) avec ce qui est là et reconnaître ce qui émerge. Et si c’est trop difficile, alors… Je mange du chocolat. Et ensuite je me dis que ce n’était pas la réponse la plus sage, mais que c’est ce que je suis parvenue à mettre en place cette fois-ci. Je suis consciente et c’est parfois un peu moins douloureux. Ou pas 😉
C’est la reconnaissance de ce qui est là qui permet la transformation. Tant que nous ne voyons rien, nous ne pouvons pas bouger. L’important pour moi est donc de m’être mise en chemin. Long et laborieux, mais tellement intéressant !
Avez-vous un (ou plusieurs !) mantra que vous voudriez partager avec nos lecteurs ?
Pas particulièrement. Mais pour moi, il est important de me répéter que mon « enfant intérieur » (la petite fille que j’étais) n’a plus besoin d’avoir peur des mêmes choses qu’à l’époque. Elle peut ne plus se sentir en danger pour les mêmes choses que quand elle a dû mettre en place un égo qui lui a permis de se protéger ou d’éviter des situations douloureuses. À sa façon.
Aussi, je me dis que je peux apprendre à m’aimer telle que je suis. Pas en me regardant dans la glace et en me disant je suis merveilleuse, mais en voyant mes limites et mon imperfection à côté de mes qualités et de ma grande puissance d’être humain. Cette découverte, bien que parfois laborieuse et mêle douloureuse, me permet d’être plus douce avec moi et de voir, donc, les autres avec beaucoup plus de bienveillance et de gentillesse.
La vie change, au quotidien… Indéniablement.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à nos lecteurs qui souhaiteraient commencer la méditation ?
Je préfère ne pas donner de conseil, mais je propose d’essayer.
Et surtout, de ne pas croire que la méditation est « faire le vide, ne penser à rien ». Cela est impossible. Un cerveau humain est fait pour penser et il fait son taf.
Aussi, de ne pas croire à un enseignant qui vous dit de faire ou pratiquer comme il le fait.
La pratique de la pleine conscience est expérientielle : chaque personne touche donc sa propre réalité, ses souffrances, ses joies, sa propre histoire, sa vie… Les expériences et partages des autres permettent de tremper les orteils dans la pratique, d’ajouter des clefs à son propre trousseau, de regarder à son propre chemin avec curiosité. Et, ensuite, de décider si c’est juste pour nous à ce moment. Pour nous-mêmes. En s’écoutant dedans. Car nous savons. Toujours.
C’est ça la force de la pratique de la pleine conscience : permettre de revenir à l’essentiel, de recontacter ce qui est juste pour chacun de nous. Et, finalement, de reconnaître que cela est commun à toute l’humanité, car la souffrance est universelle et tout le monde souhaite être heureux.
Je propose aux personnes qui souhaitent tremper les orteils dans la pratique avec curiosité (et peut-être un peu de peur) de s’adresser à des gens compétents et à des centres reconnus. Par exemple l’Institut de Pleine Conscience ou Émergences.